Un comprimé avalé le matin peut-il changer la vie d’une personne atteinte de TDAH ? Ce n’est pas qu’une question de pub : derrière chaque boîte de Strattera, il y a des histoires d’élan retrouvé, de lutte avec les effets secondaires, de réglages délicats au fil des semaines… et parfois d’espoirs déçus. Parmi les parents que je côtoie, pas mal sont tentés par ce traitement pour leur enfant, lassés de la mauvaise réputation des stimulants. Mais est-ce vraiment si simple ? Dans la cuisine, Jacqueline et moi, on en a parlé un paquet de fois à propos d’Eloïse : attendre les résultats d’un médicament non stimulant, c’est parfois comme regarder une plante pousser. On veut des réponses claires, alors voici un panorama aussi réel, concret et nuancé que possible autour de Strattera.
Strattera, c’est la marque pour l’atomoxétine, un médicament autorisé en France (et ailleurs) pour traiter le TDAH chez l’enfant à partir de 6 ans, l’adolescent et l’adulte. Contrairement à la Ritaline et à la Concerta qui sont des stimulants, Strattera ne fait pas partie de cette famille-là : il agit avant tout sur la noradrénaline, un messager chimique du cerveau impliqué dans l’attention, l’impulsivité et les émotions. On le classe dans les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la noradrénaline (IRSN). C’est technique, mais l’idée, c’est que Strattera empêche la noradrénaline d’être “recyclée” trop vite, ce qui permet une transmission nerveuse plus efficace dans certaines zones clés du cerveau, en particulier celles qui gèrent la concentration et l’autocontrôle.
On entend souvent qu’avec Strattera, les effets ne sont pas immédiats. C’est vrai : contrairement aux stimulants, il faut parfois deux à six semaines (voire huit dans certains cas) pour vraiment sentir une différence. Certaines études ont montré que le médicament réduisait les symptômes du TDAH chez 50 à 70 % des personnes qui l’essayaient, ce qui est à la fois encourageant et frustrant, car cela veut aussi dire qu’environ un tiers n’y trouve pas leur compte. On ne peut donc pas prédire à l’avance qui en bénéficiera vraiment.
Autre point : Strattera n’est pas un médicament addictif. Il ne provoque pas d’euphorie ou de « coup de boost » nerveux. Ça rassure beaucoup de familles inquiètes des risques de dépendance avec les stimulants, surtout quand on parle d’un traitement à prendre tous les jours, parfois pendant des années. Autre info pratique : l’atomoxétine existe en gélule, généralement de 10 à 100 mg. On ajuste la dose petit à petit (on commence bas et on augmente progressivement), histoire d’éviter les effets secondaires trop costauds dès le départ – j’y reviendrai.
Si vous entendez « Strattera est réservé à ceux qui ont une contre-indication aux stimulants », ce n’est pas complètement vrai : certains cliniciens préfèrent commencer par un stimulant, mais d’autres proposent Strattera en première intention, surtout si la personne présente des histoires familiales de tics, de troubles du sommeil ou d’anxiété où les stimulants peuvent aggraver les choses.
Si Strattera attire, c’est parce qu’il propose une alternative crédible pour tous ceux que les stimulants effraient ou qui ne les supportent pas. Dans la vraie vie, les profils qui répondent le mieux, ce sont souvent les enfants ou adultes ayant une prédominance d’inattention, parfois accompagnée de comorbidités comme l’anxiété ou les troubles de sommeil. Un chiffre-clé : environ 40 % des enfants suivis dans certains centres français démarrent Strattera parce qu’un stimulant n’a pas marché ou été mal toléré.
Mais ce médicament ne fait pas de miracle. Il n’agit pas chez tout le monde. Par exemple, chez certains enfants très impulsifs, hyperactifs, ou chez les adultes ayant des consommations de substances, les résultats sont parfois mitigés. Strattera est aussi contraignant : il faut être patient et rigoureux pour attendre la dose optimale, sans sauter des prises. Les oublis, c’est comme remettre le compteur à zéro sur l’efficacité.
Petit focus sur les adolescents : contrairement aux stimulants, Strattera ne modifie pas l’appétit de façon brutale, donc moins de risque de frein de croissance (chez les ados sportifs, c’est précieux), et il n’a pas d’effet délétère connu sur l’humeur à long terme. Par contre, il peut causer des troubles digestifs et un effet sédatif (fatigue le matin), surtout au début de la prise. Les adultes qui testent Strattera évoquent souvent un apaisement progressif de l’agitation interne, mais parfois au prix d’une petite baisse d’énergie ou d’une sensation d’émoussement affectif.
Côté précautions, Strattera n’est pas fait pour tout le monde. Il doit être évité en cas de glaucome à angle fermé, de troubles graves du foie, ou d’antécédents de maladie cardiaque non contrôlée. Avant de le prescrire, les médecins recommandent souvent un ECG et un bilan hépatique.
Franchement, la littérature médicale ne raconte jamais toute l’histoire, mais elle donne quand même l’ambiance. Si on se penche sur les grandes études, Strattera abaisse le score d’inattention de 8 à 12 points (sur une échelle de 0 à 54) au bout de 6 semaines, ce qui est proche de ce que les parents espèrent mais pas aussi spectaculaire qu’avec les stimulants, qui peuvent dépasser les 15 points chez les meilleurs répondeurs.
Pour vous donner une idée plus claire, voici un tableau comparatif tiré de données de la revue Prescrire et de l’Inserm :
Médicament | Début d’action | % Amélioration significative | Effets indésirables fréquents | Dépendance |
---|---|---|---|---|
Strattera | 2-8 semaines | 50-70% | Somnolence, nausées, maux de ventre | Non |
Ritaline (stimulant) | 1-3 jours | 70-80% | Baisse d’appétit, insomnie | Oui (rare) |
Guanfacine | 2-4 semaines | 40-60% | Fatigue, hypotension | Non |
La vraie vie, c’est aussi celle des témoignages. Dans pas mal de forums, certains parents racontent qu’après des mois de galère, Strattera a permis à leur enfant « de moins décrocher à l’école » ou de « mieux dormir sans stimulation ». D’autres décrivent une attente interminable, des effets secondaires pénibles ou l’obligation d’abandonner parce que l’enfant se disait “au ralenti”, “morose”, ou trop fatigué. Ma fille Eloïse n’a jamais voulu de médicament (pour l’instant), mais certains de ses copains témoignent d’un effet “plus confiant” ou “moins à vif”, même si l’adaptation au début n’était pas simple.
Les médecins, eux, recommandent souvent Strattera dans des contextes précis : antécédents familiaux de problèmes cardio-vasculaires, anxiété majeure, tics moteurs… mais restent lucides : pour beaucoup, il s’agit d’une solution parmi d’autres, parfois en deuxième ou troisième intention. Le plus important reste le suivi régulier, la dose bien calibrée, et le fait d’associer le traitement à un vrai accompagnement psycho-éducatif.
Comme tous les médicaments qui touchent au cerveau, Strattera ne fait pas qu’aider : il peut aussi perturber. Les effets secondaires les plus fréquents se situent surtout au début ou lors d’une augmentation de dose.
Quelques astuces testées par les familles (et approuvées dans mon entourage !) :
Côté gravité, les incidents sérieux sont rarissimes. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) recense chaque année moins de 15 effets sévères rapportés pour plus de 35 000 patients traités. Ça rassure, même si un suivi régulier reste la règle.
Prendre Strattera, ce n’est pas simplement “tester un comprimé” : c’est suivre une trajectoire détaillée, étape par étape, pour maximiser les chances de succès et limiter les soucis. Voici le schéma le plus fréquent proposé par les cliniciens :
Quelques fausses idées traînent encore :
L’expérience me fait dire que préparer un calendrier familial pour anticiper les rendez-vous médicaux, associés à une to-do liste dédiée aux questions à poser au pédopsychiatre (effets, durée, changements à l’école…) évite bien des ratés. Autre truc : prendre rendez-vous chez le médecin avant la fin de la boîte (et non après !). La rupture de traitement, même de quelques jours, fait parfois repartir le processus d’adaptation à zéro.
Dans des moments de doute, partager son quotidien avec d’autres familles dans des groupes d’entraide peut aussi offrir soutien et idées pratiques inédites. Rien de tel qu’un conseil de parent à parent pour adoucir certains aspects du traitement.
Ce que je retiens, c’est que Strattera n’a rien de magique, mais il reste une option solide, surtout pour tous ceux qui veulent une alternative sans stimulant. L’essentiel, c’est l’ajustement, la patience… et surtout, garder le fil du dialogue entre tous les intervenants (famille, médecin, enseignant, et le jeune lui-même).
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